Récemment, le ministre Barrette a annoncé par communiqué que les échographies faites en clinique de radiologie seraient remboursées par la RAMQ dès novembre et seront donc retirées de la liste des services non assurés par la RAMQ.

Y-a-t-il matière à réjouissance? Oui… et non, si d’autres mesures ne sont pas mises en place.

Il est évident que cette mesure améliore l’accessibilité à court terme aux soins de santé pour nos patients.  Ceux-ci font généralement face à de longues listes d’attente pour les échographies en milieu hospitalier et ceux qui le peuvent doivent souvent se résoudre à payer des centaines de dollars pour obtenir le test au privé.  Pour les patients, le fait que l’échographie soit couverte par la RAMQ,tant en établissement qu’en clinique de radiologie, est une bonne nouvelle qui entraîne un meilleur accès, la réduction de l’iniquité entre patients et l’augmentation du nombre d’examens faits en temps opportun.

Malheureusement, cette couverture, si elle ne s’accompagne pas d’autres mesures,  ouvre la porte à des effets pervers négatifs à plus long terme.  La décision ministérielle de rembourser les échographies faites au privé sans augmenter d’abord  l’offre en établissement demeure contestable. N’aurait-il pas été plus logique de rapatrier les tests d’imagerie dans les établissements publics et de lever l’exception dans la loi permettant à ceux-ci d’être facturés au privé même lorsque médicalement nécessaires?

L’Association des radiologistes du Québec (ARQ) et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) ont tous deux mentionné qu’il y a des façons d’accroître l’offre au public; plusieurs stratégies pour ce faire peuvent être envisagées (heures étendues d’ouverture, listes d’attente centralisées, etc.). Rappelons que MQRP a fait de l’accès à l’imagerie un de ses chevaux de batailles. En effet, notre rapport annuel de 2012 a bien démontré que le Québec est la province où il y a le plus d’appareils d’imagerie médicale sous-utilisés, mais où l’accès est le plus difficile et inéquitable à cause des frais exigés en clinique de radiologie privée.

D’autres tests d’imagerie demeurent facturables au privé – les tomographies, les IRM – et sont pourtant nécessaires à de nombreux soins. Ces tests devraient être eux aussi couverts par le public lorsque médicalement nécessaires, mais sont étrangement absents du discours ministériel qui semble ne se concentrer que sur l’échographie pratiquée par des radiologistes, alors que de plus en plus d’autres médecins utilisent cette technologie.

Rappelons que les radiologistes sont les seuls médecins qui ont l’autorisation d’exercer à la fois au public et au privé. Le nombre de patients pouvant payer les échographies au privé étant restreint, le radiologiste a intérêt à être disponible à l’hôpital également, mais avec la couverture des tests faits au privé, cet incitatif pourrait disparaître. On voit déjà qu’un grand nombre  des radiographies simples sont faites en clinique et non en hôpital. Avec la couverture de l’échographie hors hôpital sans amélioration de la disponibilité en établissement, assisterons-nous à un exode vers une pratique uniquement en cliniques privées pour les radiologistes? Nous croyons qu’une éventuelle diminution de la présence des radiologistes à l’hôpital serait néfaste pour la qualité des soins qui y sont dispensés.  Ainsi, couvrir les examens dans les cliniques privées nous paraît risqué si des mesures ne sont pas prises pour prioriser et améliorer l’offre en établissement.

Le système de santé prend une direction préoccupante depuis quelques années : de moins de moins de services offerts en établissements publics (on n’a qu’à penser aux pertes de services en CLSC et aux fermetures de cliniques ambulatoires en hôpital) et de plus en plus de services offerts dans des cliniques privées. Nous craignons que si cette nouvelle tant attendue de la couverture des échographies en clinique privée n’est pas assortie d’une amélioration de l’offre publique, on verra à long terme un affaiblissement de nos établissements publics, la perte du contrôle de l’organisation des soins et une hausse des coûts pour le système public.