Chers membres de MQRP,

Le début d’année 2017 est vraiment plein de rebondissements pour le système de santé ! Retenons deux événements majeurs, l’abolition des frais accessoires et la couverture publique de l’échographie ; ainsi que trois événements à surveiller: l’arrivée de la facturation à l’activité, les négociations sur la rémunération et les transferts en santé.

Frais accessoires
Tout d’abord, les frais accessoires. Après avoir parlé de les «normaliser» et de les «encadrer» lors de l’adoption de la loi 20, le ministre de la Santé a par la suite annoncé le 14 septembre 2016 qu’il les « abolirait ». Le règlement laissait place à beaucoup d’ambiguïté puisqu’il ne mentionnait pas vraiment l’abolition des frais accessoires et plutôt la permission de facturer des frais de transport d’échantillons.

Début janvier, l’annonce officielle de la fin des frais accessoires le 26 janvier 2017 fut faite. La lecture du tableau fourni par le MSSS est très encourageante : non seulement les frais pour les médicaments fournis en cabinet sont dorénavant interdits, mais certaines fournitures sont rajoutées au panier de service, comme les lentilles souples pour les cataractes, les tests de coagulation faits en pharmacie et d’autres frais dont le statut était flou sont dorénavant officiellement couverts (les billets d’absences temporaires au travail, les copies de dossier).

C’est une excellente nouvelle : une réponse du gouvernement à une mobilisation citoyenne qui dure depuis des années, qui a réuni des groupes de patients, des syndicats, des avocats et bien sûr MQRP, qui en avait fait un de ses dossiers prioritaires depuis 2012.

Nous nous réjouissons aussi de la nouvelle loi 92, qui augmente les pouvoirs de la RAMQ. Celle-ci pourra sévir en cas de facturation de frais aux personnes assurées, avec plus de personnel pour faire enquête et des sanctions plus conséquentes.

Il reste un élément majeur à surveiller : est-ce que l’offre de service en cabinet continuera, et comment? Certains médecins, de même que la FMSQ, affirment ne pas pouvoir continuer à donner les services au patient s’ils ne peuvent plus facturer les frais accessoires. D’autres professionnels — optométristes, pharmaciens — sont aussi touchés et semblent considérer diminuer certains services. Le ministre Barrette avait clairement dit que les coûts devraient être absorbés directement à partir des enveloppes de rémunération déjà existante. Récemment toutefois, il disait que « les frais accessoires ne peuvent pas être remplacés par des tarifs qui vont générer une perte, alors il est sûr et certain que les tarifs qui vont être ajustés vont couvrir les frais d’exploitation des actes et des services concernés », ce qui pourrait ouvrir la porte à des enveloppes bonifiées.

L’accès aux soins, qui était auparavant limité pour de très nombreux patients en raison des barrières financières, demeure encore précaire dans le contexte actuel suite à cette possible baisse de l’offre de soins.

Échographies
L’annonce tant attendue de la couverture des échographies, une demande de MQRP depuis des années (voir notre rapport annuel de 2012), est assombrie par la diminution draconienne de l’offre de ces examens offerts en cabinets privés depuis. Il aurait été évidemment plus souhaitable pour le système de rapatrier tous ces examens dans les établissements publics, permettant une meilleure gestion et organisation des soins. Mais la décision fut prise de les couvrir en cabinet, une solution rapide qui nous semblait acceptable pour améliorer l’accès immédiatement, surtout si elle s’accompagnait d’un projet de rapatrier les soins au public par la suite.

Or il semble que les tarifs décidés par le ministère et par la RAMQ pour l’échographie ne conviennent pas aux radiologues, qui ont préféré cesser d’offrir des rendez-vous pour ces examens, diminuant drastiquement l’accès et donc le nombre d’examens faits. Une somme de 30 millions de dollars est puisée dans l’enveloppe des médecins spécialistes pour couvrir l’échographie, mais il semble que ce ne soit pas assez pour que les radiologistes continuent à en faire en cabinet.

Il faut rappeler que les radiologues sont les seuls médecins qui peuvent à la fois travailler au public et au privé pour des soins médicalement requis : dans leurs cliniques, les radiographies simples sont couvertes par la RAMQ alors que les tomodensitométries [scans] et IRM sont payées directement par le patient (tous ces examens sont couverts s’ils sont réalisés en établissement.) L’examen “privé” qui était fait le plus souvent dans les cabinets était l’échographie, dont le coût facturé au patient variait entre 90 et 250$.

Il est aussi intéressant de noter que seules les échographies faites par les radiologistes seront couvertes par la RAMQ, alors que plusieurs autres médecins font cet examen en cabinet (particulièrement les obstétriciens et les physiatres, mais aussi de plus en plus de médecins de famille). Il est certain qu’une partie de la réaction est liée à la façon dont le ministère a procédé pour imposer sa décision, mais il est certain que la couverture des échographies à tarif fixe attaquera probablement la marge de profit de cliniques privées des radiologistes et aura un impact sur celles-ci.

Prestation privée
L’incertitude quant à l’offre de services par les cabinets qui facturaient auparavant des frais accessoires et par les radiologistes pour l’échographie démontre bien le risque de la prestation privée des soins, c’est-à-dire de la gestion des cliniques et de l’offre de service par des administrateurs (souvent médecins) sans droit de regard du système public. L’organisation du système et son bon fonctionnement demandent une concertation entre ce qui se fait en établissement et en cabinets. Laisser la gestion de ceux-ci à des gens qui peuvent en tirer directement des profits (actionnaires ou médecins propriétaires) fait perdre de vue la raison même du système et des citoyens: prendre soin de patients et leur offrir les services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit.

 

À venir bientôt: transferts en santé, rémunération et financement à l’activité