La semaine dernière, le ministre Dubé déposait un projet de loi visant à mettre fin au recours aux agences privées de placement en santé d’ici 2026. Comme plusieurs, nous voyons ce projet de loi comme un premier pas dans la bonne direction, tout en attendant les détails à venir dans le règlement final.

Déjà en 2020, dans notre rapport sur l’impact de la COVID-19 sur le réseau public de santé et de services sociaux au Québec nous décrivions l’impact déjà bien senti des agences privées avant la pandémie :

« Les agences de placement privées se présentent donc comme le symptôme d’une organisation du travail chroniquement déficiente. Notre dépendance grandissante envers ces agences rend notre système de santé plus fragile[…]. De plus, d’un point de vue strictement comptable, avec les coûts élevés associées à l’embauche de personnel d’agence, il coûte plus cher d’y avoir recours que d’offrir des postes à temps complet aux employé·e·s régulier·e·s du réseau. »

Deux ans plus tard, on apprend via la FTQ qu’entre 2016 et 2022, les agences privées ont coûté près de 3 milliards de dollars à l’État québécois. Or, ce que nous vivons actuellement avec les agences représente malheureusement l’arbre qui cache la forêt.

 

Les agences comme un symptôme

D’un point de vue individuel, après des années de coupures et de réformes éreintantes sur le terrain, personne ne peut en vouloir aux travailleuses et travailleurs du réseau public qui font le choix des agences ou du privé en espérant de meilleures conditions de travail.

Or, l’enjeu est avant tout systémique, et l’exemple des agences illustre malheureusement le problème plus large du recours au privé en santé : plus on donne au privé, plus le public se vide, laissant ainsi le personnel qui reste dans une situation encore plus difficile. On voit que cette gestion, dans un domaine où la quantité de personnel qualifié est limitée, crée un cercle vicieux aggravant sans cesse la pénurie de personnel et les conditions de travail dans le réseau. Encore plus absurde, c’est aussi une façon de payer plus cher pour offrir les mêmes services, en finançant les marges de profit de ces entreprises.

La saga des agences de placement illustre malheureusement le problème plus large du recours au privé en santé.  On confie la santé de notre population à des entreprises à but lucratif qui profitent, selon leurs propres conditions, des brèches qui ont été créées par des années de désinvestissement dans le réseau de la santé. Qu’il soit question d’agences, de mini-hôpitaux privés ou d’entreprises de télémédecine, derrière la réponse du « privé comme seule réponse possible à ce stade-ci » se cache une série d’attaques progressives et frontales qui ont fragilisé notre réseau public au fil des années. Nous sommes d’avis que ces attaques peuvent – et doivent – être renversées par le gouvernement.

 

Se donner les moyens

De nombreuses études ont démontré au fil du temps comment un système de santé public offre une série d’avantages robustes tant du point du vue économique, administratif, qu’éthique. Il  existe de nombreuses solutions publiques pour préserver notre système public. Commençons par offrir des conditions de travail et salariales décentes à nos travailleurs de la santé.

On l’entend peu souvent ces temps-ci, mais malgré les énormes défis auxquels il fait face, notre système public de santé et de services sociaux accomplit de grandes choses au quotidien, porté avant tout par les individus qui y travaillent et offrent des soins et des services à toute notre population. Le réseau public a la capacité de répondre aux nombreux défis actuels : il est urgent qu’on lui en donne les moyens.